Nos sens ne s’améliorent pas en vieillissant. Difficulté accrue à lire de près ou de loin, perte de goût ou encore tendance à manquer des bribes de conversations, notamment dans les endroits bruyants… Vous connaissez peut-être de plus en plus fréquemment ces désagréments de la vie quotidienne.
Dans une étude récente, les chercheurs de l’Université de Chicago Medicine se sont intéressés à l’impact de ces changements sensoriels et notamment à la façon dont ils peuvent affecter la santé mentale des personnes âgées.
La santé mentale se détériore avec l’augmentation des déficiences sensorielles
Leurs travaux, publiée dans le Journal Of The American Geriatrics Society, révèle que les personnes avec des déficiences sensorielles ont une santé mentale généralement plus mauvaise, avec notamment un sentiment de solitude accrue.
Jayant Pinto, MD, médecin et expert en dysfonctionnement olfactif à UChicago Medicine, explique ce phénomène : « Lorsque vos sens diminuent, vous ne pouvez plus expérimenter le monde de la même manière. Vous ne pouvez plus entendre vos collègues ou amis à table, vous ne pouvez plus discerner ce qui se passe dans votre environnement et vous avez peut-être du mal à lire ou à comprendre ce qui se passe dans votre quartier. Cela rend toutes vos charges cognitives un peu plus difficiles, et cela vous épuise probablement avec le temps et entraîne des problèmes de santé mentale. »
L’équipe de chercheurs a examiné les données sur les fonctions sensorielles (vue, audition et odorat) et la santé mentale auto-évaluée de près de 4 000 personnes âgées, collectées sur une période de 10 ans dans le cadre du National Social Life, Health & Aging Project, aux Etats-Unis.
Ils ont découvert que les personnes ayant plusieurs sens altérés ressentaient plus de solitude et avaient une santé mentale auto-évaluée globalement plus dégradées. En outre, les personnes avec trois déficiences sensorielles étaient plus susceptibles de vivre des épisodes dépressifs fréquents.
Comment réduire les effets négatifs des déficiences sensorielles
Selon les chercheurs, les résultats de cette étude mettent en lumière l’importance d’améliorer l’accès aux services de santé mentale et de sensibiliser davantage à la connexion entre perte sensorielle et détresse mentale.
Comprendre mieux comment les déficiences sensorielles impactent la santé mentale des personnes âgées pourrait aider les professionnels de santé à dépister des troubles mentaux lorsqu’ils détectent une perte sensorielle chez leurs patients, permettant ainsi des interventions plus personnalisées et donc plus efficaces.
À un niveau personnel, la patience et des moyens de communication plus efficaces, tels que parler clairement ou utiliser des notes écrites, peuvent être très utiles. À un niveau plus globale, des politiques publiques bien pensées peuvent garantir l’accessibilité dans les espaces publics et fournir des ressources qui améliorent la qualité de vie.
Les chercheurs mettent également en avant l’utilité des technologies médicales disponibles pour compenser les déficiences sensorielles. Pour la perte auditive par exemple, des implants cochléaires, des aides auditives et d’autres dispositifs sont très utiles pour limiter la déficience et donc ralentir le déclin cognitif. Il en va évidemment de même avec la vue (lunettes, lentilles de contact, voire même intervention chirurgicale) et l’odorat.
« Dans de nombreux cas, nous pouvons atténuer les difficultés sensorielles de manière à améliorer réellement la vie des gens, leur santé mentale et leur sentiment de solitude. Ce sont des moyens simples par lesquels nous pouvons intervenir pour aider les gens et potentiellement avoir un impact énorme sur la société », selon Jayant Pinto.
Vers une meilleure compréhension des déficiences sensorielles
Les chercheurs ont choisi d’utiliser le terme « handicap » pour souligner l’impact significatif des déficiences sensorielles sur la vie des individus. Cette terminologie vise à déstigmatiser ces conditions et à promouvoir une approche plus inclusive des soins de santé.
Ils espèrent que cette approche incitera davantage de professionnels de soins de santé aux Etats-Unis à adopter le Modèle Social du Handicap, qui considère le handicap comme une question d’identité liée aux manques d’accessibilité et d’aménagement de la société, plutôt que de le voir uniquement comme une déficience à « réparer » (le modèle français fonctionne de la même façon).
En reconnaissant les déficiences sensorielles comme des handicaps et en prenant en compte leur impact sur la santé mentale, nos sociétés peuvent avancer vers des soins plus complets et compatissants, favorisant ainsi une meilleure qualité de vie pour les personnes âgées et les personnes handicapées.
Sophie est rédactrice spécialisée dans les thématiques de médecines douces sur le site visa-forme.fr. Elle s’intéresse particulièrement à l’Ayurvéda et étudie notamment son développement dans les sociétés occidentales.